WEBZINE N° 6
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Petit mystère de la Nature

On l’a certainement appris à l’école. Ou par un grand-parent plus patient que les autres. Mais on a un peu oublié.

Et on s’est senti trop grand pour oser demander de nous l’expliquer encore une fois.
Nous avons décidé de prendre notre courage à deux mains pour reposer la question et savoir enfin. Une bonne fois pour toutes.

1 + 1 = 400 ?

 

Sixième petit mystère :
« les fromages »

Comment se fait-il qu’avec deux ingrédients, ou presque, on puisse faire autant de fromages différents ?

 

claudebernardfromages.jpg

(Presque) toute l’Auvergne est dans le pré-montage réalisé par Claude Bernard (Maman).

 

Sans parler de toutes les gammes de goûts, odeurs, couleurs, textures qui existent pour un même fromage. Le saint-nectaire, par exemple, divise notre famille en plusieurs clans : il y a ceux qui l’aiment bien fort et gras, d’autres crémeux (voire coulant) mais pas trop fort, d’autres enfin plutôt ferme et sec avec son inimitable goût de noisette.

Mélipone, qui aime les choses bien ordonnées, va essayer de nous débroussailler ce mystère.

Du fromage de qualité avec n’importe quel lait ?

« Maître corbeau, sur un arbre perché, tenait en son bec un fromage… ». Ainsi commençait cette célèbre fable de La Fontaine dont on connaît trop l’excellence pour penser qu’il ait choisi cet aliment par hasard. En effet, c’est une certitude, le fromage figure parmi les premiers aliments de l’homme : sans doute pour assurer durablement la croissance des humains après leur sevrage, il fallait alors pouvoir conserver la plupart des constituants nobles du lait dont la production chez les mammifères domestiques était éminemment périssable et saisonnière.

Compte tenu de cette très longue histoire, il n’est pas étonnant que le plateau de fromages, notamment de la France, soit abondamment garni (il y en aurait plus de 400 variétés).

Nous n’aborderons ici que quelques considérations sur les qualités sensorielles (goût, odeur, couleur et texture) des fromages qui arrivent dans notre assiette.

La qualité sensorielle des fromages dépend d’abord des caractéristiques chimiques et microbiologiques de la matière première, c’est-à-dire du lait issu de la traite, puis en second lieu de la technologie utilisée pour fabriquer le fromage.

La composition de la matière première va elle-même dépendre des caractéristiques de l’animal (espèce, race, avancement de la lactation, état sanitaire notamment de la mamelle), de son alimentation très variable selon les lieux et la saison, et enfin de l’hygiène de la traite (colonisation par des microbes plus ou moins désirables).
Grâce aux progrès de la technologie laitière, les possibilités de modification du lait au moment de sa transformation en fromage sont devenues beaucoup plus diversifiées et ont donné un moment l’impression qu’il était possible d’atteindre une bonne qualité fromagère quelle que soit la matière première mise en œuvre.

 

gerard_cambon_fromages

© Gérard Cambon.

 

Aujourd’hui, sous la pression des consommateurs, les facteurs en amont de la transformation, et notamment ceux concernant l’alimentation des animaux, sont de plus en plus pris en compte par la filière de production et cela grâce aux résultats d’études récentes.

En voici 3 exemples :

La couleur
La couleur des pâtes fromagères dépend de la teneur en pigments caroténoïdes du lait, elle-même fonction de celle des fourrages. Ainsi l’herbe pâturée au printemps ou ensilée donne des pâtes jaunes alors que les foins et les ensilages de maïs, plus pauvres en carotène, donnent des pâtes nettement plus pâles.

La texture
L’alimentation peut accroître indirectement la texture des fromages en modifiant la teneur en acides gras insaturés du lait. Ainsi des essais récents ont montré que l’herbe, quelle que soit sa forme d’utilisation (pâturage, foin, ensilage), donnait des pâtes plus souples que l’ensilage de maïs.

L’arôme et la saveur

Les études portant sur les effets de la composition botanique des prairies notamment d’altitude ont mis en évidence des améliorations de flaveur et ou de texture d’autant plus importantes que la composition floristique des prairies était plus diversifiée et notamment riche en dicotylédones (la plupart des fleurs de prairies naturelles – voir photo – appartiennent à cette famille botanique).

Mais on a découvert avec surprise que contrairement à ce que l’on croyait, les terpènes, substances aromatiques des plantes qui passent dans le lait et qui sont plus concentrées dans les flores complexes, n’étaient pas en concentration suffisante pour modifier le goût.

Ces résultats montrent l’existence d’un lien entre les caractéristiques sensorielles des fromages et quelques-unes des composantes du terroir. Mais ils sont encore très partiels et difficilement généralisables car ils ont été souvent obtenus sans modifier les autres paramètres (études menées pour un type d’animal et pour une technologie fromagère donnée).

C’est donc un vaste champ expérimental qui s’ouvre notamment parce que les différentes technologies fromagères n’ont pas toutes la même aptitude à faire exprimer dans les fromages la qualité initiale des laits.

 


Mélipone

Chercheur honoraire en nutrition animale (ruminants).

La retraite lui laisse peu de temps pour écrire pour Les mots des anges...

Cet article est tir du numro 6 du webzine https://www.lesmotsdesanges.com/V2 imagin par 4ine et ses invits
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