En harmonie avec la nature sauvage
Quand la famille Momus est revenue de son séjour chez les Dúrikas au Costa Rica, nous avons ressenti qu’ils avaient vécu là-bas une expérience incroyable qui les marquerait à jamais. Qu’ils y avaient fait des rencontres bouleversantes. Avec un groupe de personnes. Mais aussi avec un mode de vie et des valeurs qui nous donnent à voir en miroir les nôtres et nous font réfléchir. Ils ont pu voir aussi des applications pratiques d’une philosophie au plus proche de la nature, au service de la Nature.
Pour Agnès, c’est un rêve impossible. Mais qui se réalise chaque jour depuis vingt ans.
La vie dans la communauté peut sembler rude et isolée à ceux d’en bas comme ils appellent les autres, mais ce qui se dégage des membres rencontrés, c’est la quiétude, l’équilibre, une autre notion du temps, des valeurs d’humanité et un immense respect de la nature.
Les Dúrikas sont calmes, physiquement très en forme (nourriture végétarienne, pas d’alcool ni café malgré leurs plantations, exercices physiques quotidiens, lever et coucher avec le soleil…), passionnés et passionnants.
Qui sont-ils ?
Philippe Falbet, qui les connaît très bien pour avoir vécu dans la communauté Dúrika à plusieurs reprises et y avoir emmené des groupes, a eu la bienveillance de tout m’expliquer en détail. Voici l’histoire…
Fundación pro conservacionista Dúrika [NDLR : devenue Fundación Reserva Biológica Dúrika]. Ou plus simplement Fundación Dúrika. Ou communauté Dúrika. Communauté dans le sens historique latino-américain de personnes se regroupant pour travailler sur un projet commun. Sans aucune idéologie politique ou religieuse.
Tout a commencé en 1987 avec German Cruz Villanueva, biologiste et agronome qui a exposé son projet lors d’un cycle de conférences. Il consiste à mener une expérience de vie communautaire dont les objectifs sont la conservation de la forêt, l’agriculture biologique et le développement de méthodes de santé alternatives. Avec comme lieu d’ancrage la ferme de son grand-père (50 hectares) située dans une zone encore très sauvage à 1 600 m d’altitude sur les hauteurs de la cordillère de Talamanca, au sud-ouest du Costa Rica.
Le charisme de German Cruz Villanueva a permis de rallier 1 000 sympathisants qui, pendant deux ans, ont planché sur la préparation du projet. Ce temps de gestation et de réflexion et les moyens humains mis en œuvre ont permis que l’expérience se concrétise. Et marche.
En 1989, 200 personnes s’embarquent dans cette aventure, dans des conditions de vie très précaires (pas d’eau courante ni d’électricité, pas de route pour aller au village le plus proche situé à 3 heures de marche).
La plupart n’ont pas tenu et sont repartis. Sur les 100 Dúrikas actuels, dont 30 vivent sur place en permanence, 10 seulement sont là depuis le début, dont Annie, une Française.
Le niveau d’études des Dúrikas est élevé. La communauté compte notamment un chirurgien, un biologiste et un ornithologue. Le charpentier, ancien professeur, est aussi le maître d’école (l’école a été agréée par le ministère de l’Éducation nationale costaricien).
Ce qui explique qu’une partie des ressources de la communauté provient du Conseil en agronomie à l’université. Le reste émane de propriétaires costariciens, de l’Ambassade du Canada, et des revenus générés sur place : la vente de fromages de chèvre et de galettes abandonnée depuis bientôt cinq ans au profit de l’écotourisme beaucoup plus lucratif.
Ils vivent maintenant en autosuffisance et produisent assez pour acheter ce qu’ils n’ont pas. Les ressources sont consacrées à des projets collectifs, décidés collégialement : l’achat de terres, l’énergie du village, le centre médical (dont ils font bénéficier les indigènes), l’éducation à l’environnement, la création d’une police environnementale privée qui lutte contre le braconnage et la coupe (et qui est reconnue par le ministère de l’Environnement), et la reforestation.
Ils protègent maintenant un corridor biologique d’environ 8 500 hectares de forêts primaire et secondaire, qu’ils achètent progressivement aux propriétaires. 2 500 hectares ont déjà été achetés depuis dix ans, et une option d’achat a été posée pour environ 5 000 hectares à quelque vingt propriétaires terriens. Un million d’arbres natifs ont également été replantés ces dix dernières années.
La communauté a mis en place une organisation originale. Chaque famille a sa propre maison et intimité, toutefois les habitants travaillent selon un programme établi chaque semaine et définissant les tâches de chacun (bergerie, boulangerie, pépinière, potager, construction…).
Aucun courant de pensée ou religion n’est imposé, chacun est libre de penser ou de dire ce qui lui plaît. La seule règle est de se plier aux exigences des tâches nécessaires à la survie du village, et de concorder dans la volonté générale de quiétude et de paix. Ils se réunissent tous les soirs sous les étoiles. Soit pour discuter, soit pour assister à des cours donnés par les membres à tour de rôle.
Le village accueille des docteurs, biologistes ou des étudiants ainsi que des étrangers intéressés par la découverte d’un écosystème et par une expérience de vie rare.
La communauté est enfin très impliquée dans la conservation des traditions des cultures Cabécar et Bribri (deux minorités indigènes du secteur). Ils travaillent également à l’amélioration de leur niveau de vie dans les domaines de la santé, de l’environnement et de l’éducation.
Dúrika, c’est un rêve de vie que l’on pourrait réaliser partout ailleurs dans le monde. Mais sans doute pas dans une nature aussi magique, variée, grandiose… et fragile.
En voici quelques photographies.
Mille mercis à Serge Momus et Philippe Falbet pour leurs magnifiques photos.