Le dressage : « Calme, en avant et droit »*
Onzième petit mystère :
« qu’est-ce que le dressage ? »
Cette fois-ci, ce n’est pas vraiment un petit mystère de la Nature. Plutôt un mystère quant à une discipline équestre.
Si, comme moi, vous avez eu l’occasion d’assister à l’entraînement d’une séance de dressage dans la carrière, vous serez d’accord pour dire que cela justifie un article : on ne comprend absolument pas ce qui se passe. Et cela a l’air très facile, quoi qu’en disent les cavaliers.
Agnès Toitot, la professeur de dressage d’Alice, nous livre ici avec détail et passion quelques clés.

Les débuts d’Alice en concours, sur Kémir de Neyron (la Plaine de Saint-Hubert).
Le dressage en quelques lignes
Le dressage constitue en premier lieu l’activité par laquelle l’être humain enseigne au cheval les comportements (avancer, s’arrêter, tourner…) qu’il souhaite lui demander et les signaux par lesquels il les demande (voix, appel de langue, mouvements du corps, des mains, des jambes, des éperons…). Le dressage est également une discipline olympique des sports équestres. Il est souvent considéré comme la discipline mère des autres disciplines équestres. En effet, aucune autre discipline n’est envisageable sans un dressage préalable du cheval.
Le dressage est un art car la recherche esthétique du mouvement y prend une place prépondérante, et des principes tels que la légèreté, la décontraction, l’impulsion et l’amour sont indispensables à l’atteinte de « la belle équitation », afin de l’élever au niveau de l’art. C’est la représentation stylisée des mouvements gracieux du cheval.
En compétition, le dressage sert à tester la qualité de la communication entre le cheval et son cavalier. Le cavalier emploie des ordres aussi discrets que possible afin de paraître presque communiquer par télépathie avec sa monture.
Paradoxalement, aux yeux d’un public non averti, une bonne exécution donne l’impression que la discipline est facile. Cependant, une bonne reprise en compétition n’est que le résultat d’années de travail intense.

Alice au trot préparant le doubler final.
Si vous voulez en savoir plus :
1. Le dressage dans l’histoire
L’art du dressage n’est pas un phénomène récent. En effet, on a retracé une certaine forme d’équitation en carrière qui se pratiquait 1 500 ans avant J.-C. Dans la Grèce ancienne, on « travaillait » les chevaux, afin de les rendre obéissants et faciles à manœuvrer pour déjouer l’adversaire lors de combats guerriers.
Le commandant grec Xénophon, né en 430 avant J.-C., nous a laissé le premier traité d’équitation qui est toujours d’une actualité étonnante. Ses méthodes avant-gardistes incluaient une approche psychologique dont le tact, la maîtrise de soi, la recherche constante de la beauté et de la perfection, la décontraction du cheval, et la légèreté.

Position incorrecte selon Xénophon : genoux relevés, le cavalier se contracte et cherche son équilibre en s’accrochant au cheval qui, ainsi, se débat (fin VIe siècle av. J.-C.).
La France, considérée comme le berceau de l’équitation classique, domina cette discipline pendant plusieurs siècles. On ne peut donc parler d’équitation classique sans évoquer la célèbre École de cavalerie française de Saumur, fondée en 1771 par le duc de Choiseul. Ce n’est qu’en 1814, après la Révolution, que l’École de Saumur, aussi désignée sous le nom du Cadre noir, vit vraiment le jour.

« Airs de Haute École » présentant le passage et la pirouette (XVIIIe siècle).
2. Les apprentissages
Avant de parler « dressage », il faut avoir appris à monter à cheval, c’est-à-dire que les bases de la pratique de l’équitation élémentaire soient acquises et solides, devenues réflexes. Ensuite, c’est une question de sentiment et de travail.
Pour être un bon cavalier, quelle que soit la discipline envisagée, il faut savoir reconnaître ses limites, ne pas avoir d’ambitions trop au-dessus de ses moyens et de ceux de son cheval. Ne pas oublier que, dans le couple cavalier-cheval, c’est le cerveau du cavalier qui commande et le cheval qui exécute.
Alors, seulement à partir de ce moment, on pourra appeler ce cavalier « dresseur ». Ce dresseur devra toute sa vie avoir à l’esprit et pratiquer ces quatre impératifs : observer, écouter, réfléchir et travailler. C’est un travail sur de nombreuses années.
Le dressage est un des très rares sports où l’on progresse et évolue toute sa vie, à la condition de savoir se remettre en question.
Au-delà du galop 7 (examen qui sanctionne la maîtrise de l’équitation élémentaire), on aborde l’équitation supérieure. Elle permet d’affiner ses connaissances et de pouvoir ainsi dresser les chevaux, afin d’obtenir des chevaux faciles d’utilisation, compétitifs donc musclés, souples et équilibrés.

Agnès Toitot avec son cheval Floyd, en 2009, lors du Concours international de Vierzon.
3. Les chevaux de dressage
Une bonne conformation, un tempérament énergique, des allures amples et régulières, voici les premiers critères de choix d’un cheval de dressage. Ensuite, il y a des races plus adaptées, comme les chevaux hollandais, allemands et belges. Tout dépend aussi du niveau du cavalier – le caractère et le niveau du cheval devant correspondre au niveau du cavalier.
Un vieil adage dit : « À jeune cavalier, vieux cheval ».

Alice et Perfavor.
Sa fierté, avoir eu la permission de monter en concours de dressage un cheval de propriétaire qu’elle n’avait jamais monté et, qui plus est, un cheval de concours d’obstacles.
4. Les figures
En compétition, les reprises comprennent une succession de figures imposées, comme en patinage artistique.
La pratique de l’équitation académique et du dressage repose sur quelques figures de base simples : les figures de manège. Celles-ci sont effectuées sur une carrière de dressage de 60 m de long et 20 m de large. Des lettres sont disposées en divers points de la carrière pour permettre aux cavaliers de se repérer et aussi pour fixer les points de départ et d’arrivée des figures.

Repères dans la carrière de dressage.
Un exemple de figure : la serpentine
Une serpentine est un ensemble de demi-cercles qui se succèdent en sens contraire : un à droite, un à gauche, etc. Elle peut comporter de trois à six boucles. Plus il y a de boucles, plus l’incurvation est importante et plus la figure est difficile. La rapidité de l’allure accroît aussi la difficulté. On commence une serpentine en A ou en C (au milieu du petit côté) : chaque courbe part de la ligne du milieu et y revient. Elle se termine lorsqu’on rejoint le milieu de l’autre petit côté.

Alice. Belle concentration.
* Citation du général L’Hotte.
Ancienne cavalière de saut d'obstacles et de concours complet (a commencé la compétition à 17 ans), Agnès s'est spécialisée en dressage pur au niveau national il y a 4 ans.