WEBZINE N° 2
Printemps 2007
Les Tarahumara (ou Rarámuri)
rencontre
Rougail de patates douces à la Joséphine
cuisine
Crépuscule arctique
photo
Suivez le bœuf de l’étable à la table
mystère
Bordel
mot
Archives
webzine N°2
rencontre
cuisine
photo
mystère
mot
Archives

Petit mystère de la Nature

On l’a certainement appris à l’école. Ou par un grand-parent plus patient que les autres. Mais on a un peu oublié.

Et on s’est senti trop grand pour oser demander de nous l’expliquer encore une fois.
Nous avons décidé de prendre notre courage à deux mains pour reposer la question et savoir enfin. Une bonne fois pour toutes.

Suivez le bœuf de l’étable à la table

 

Deuxième petit mystère :
« bœuf qui es-tu donc ? »

Chez le boucher, on commande du bœuf. En revanche, dans les champs, il n’y a que des vaches ou des taureaux. D’où vient-il donc ce bœuf ? Est-ce celui de la fable ou celui de la crèche ? Nous cacherait-on quelque chose ?

Mélipone, notre spécialiste Nature, s’est penché sur la question.

Il s’agit là d’un très vaste sujet, et notre ambition n’est pas ici d’être exhaustif en la matière, mais seulement d’évoquer quelques aspects qui nous paraissent essentiels.

Qu’est-ce que la viande ?

La viande (étymologiquement « ce qui sert à la vie ») est constituée par la chair des mammifères et des oiseaux que l’homme, à l’origine chasseur et cueilleur, utilise comme aliment pour subvenir à ses besoins. Tel qu’il est vendu au consommateur, c’est un produit très hétérogène puisque constitué essentiellement par des muscles auxquels s’ajoutent en quantités variables du gras et de l’os. Cependant, au bout de notre fourchette, il n’est pratiquement plus constitué que de muscles.

Le muscle, dont la composition chimique moyenne chez les mammifères est caractérisée par l’importance de l’eau (75 %) et des protéines (19 %), comprend trois tissus : le tissu musculaire, le tissu conjonctif, et le tissu adipeux. Le tissu musculaire est constitué de fibres musculaires (unité structurelle de base) groupées en faisceaux qui définissent l’apparence (nous dirons la texture) telle qu’elle apparaît, par exemple, sur une tranche de faux-filet. Les tissus conjonctifs et adipeux sont répartis soit en périphérie, soit à l’intérieur du muscle. À l’intérieur du muscle, le collagène (tissu conjonctif) conditionne la tendreté (elle diminue généralement avec la teneur en collagène) alors que le persillé (tissu adipeux situé entre les faisceaux) améliore la flaveur (olfaction et gustation).

Mais, particulièrement dans le cas des bovins, une source coûteuse

Si la viande bovine contient notamment des protéines de qualité, sa production est par contre très coûteuse pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, les différents cycles de production de la viande bovine sont nettement plus longs que ceux des porcs ou des volailles, ce qui entraîne des frais importants notamment d’alimentation et ce d’autant plus qu’ils intègrent une phase d’engraissement très « énergivore » (consommatrice en calories). Ces cycles ont d’ailleurs tendance à devenir moins intensifs et donc à s’allonger pour mieux tenir compte des contraintes de qualité : par exemple, le gras de persillé ne se dépose dans le muscle qu’en phase terminale de l’engraissement.

Ensuite, le rendement du passage du poids vif de l’animal vivant (au départ de la ferme) à celui de la viande consommable est faible (de l’ordre de 35 à 40 %), soit 245 kg pour un animal vivant de 680 kg (fig. 1). On notera que parmi les pertes figure en priorité le contenu digestif qui peut atteindre jusqu’à 20 % du poids vif de départ car les bovins sont des polygastriques (estomac à plusieurs compartiments). Par ailleurs, le cinquième quartier, dont la valorisation demeure difficile, représente environ 26 % du poids vif.

Et dont la consommation diminue en valeur relative

Des prix élevés auxquels il faudrait adjoindre l’évolution des modes de vie et des considérations de diététique (discrédit du gras), ainsi que la crise sanitaire de la vache folle sont des facteurs explicatifs de la tendance générale à une diminution relative de consommation de viandes bovine et ovine en France (entre 1989 et 2000, elles ont diminué respectivement de 13 et 18 %) au profit de celles de porc et de volaille qui ont progressé respectivement de 8 et 15 %1. Cette diminution relative pourrait être à l’avenir contrebalancée par la mise au point de nouvelles formes de commercialisation des morceaux à cuisson lente (teneur élevée en tissus conjonctifs) qui sont de plus en plus difficiles à commercialiser malgré leur prix plus attractif.

 

 

La viande, une des premières sources de protéines de qualité

Les protéines sont des nutriments indispensables à la construction et à l’entretien de l’organisme de l’homme. Sans vouloir engager une polémique avec ce que je dénommerais sans condescendance « les philosophies nutritionnelles », je m’en tiendrais à l’avis de la communauté scientifique qui considère que les protéines de la viande sont, au même titre que les autres sources de protéines animales (œufs, poissons et produits laitiers), mieux équilibrées que les protéines végétales. Nous ne nous étendrons pas ici sur les autres points forts de la valeur nutritive de la viande.

Ut fama est (Comme le rapporte la légende), un quidam déclarait un jour « Je ne crains pas la maladie de la vache folle parce que je ne commande que du bœuf à mon boucher ». En fait, sous le terme courant de bœuf, on trouve rarement à l’étal du bœuf au sens strict, c’est-à-dire un mâle adulte castré (8 % de la consommation), mais la plupart du temps des génisses (femelles n’ayant pas vêlé) ou des jeunes bovins (mâles non castrés de 15 à 18 mois) – au total 44 % – et surtout des vaches de réforme, c’est-à-dire des vaches issues des troupeaux spécialisés en lait ou en viande et qui finissent leur carrière en boucherie (48 %).

« La tournée en solitude du boucher-abattant2 », un circuit de transformation et de distribution en voie d’extinction

Ce maillon de la ruralité (le boucher achète ses animaux chez des éleveurs qu’il a sélectionnés, récupère leur carcasse à l’abattoir et en commercialise la viande dans les marchés ou campagnes) disparaît progressivement. Les circuits de collecte, de transformation et de distribution ont considérablement évolué au cours des dernières décennies. Ainsi, aujourd’hui, par exemple, la viande de bœuf consommée par les ménages est distribuée à 79 % en grandes surfaces.

« Mange et tais-toi3 »… c’est fini !

Pour le consommateur, la valeur nutritive (apports de protéines, etc.) et les satisfactions gustatives liées aux caractéristiques organoleptiques (tendreté, couleur, flaveur, jutosité) ont constitué pendant longtemps les principaux critères de la qualité de la viande.

 

Boeuf_Gerard_Cambon

© Gérard Cambon.

 

Aujourd’hui, le consommateur formule des exigences de plus en plus pointues notamment sur la valeur hygiénique de la viande (absence de contamination microbienne ou parasitaire, de résidus d’hormones), sur le contexte de la production (lieu, race), sur la valeur « éthique » du type de production (degré de bien-être des animaux, conditions d’abattage), sur la valeur environnementale des fourrages et aliments concentrés ayant servi à les engraisser (pollution par les nitrates), etc.

En conclusion, la viande est un aliment très important mais aussi très particulier car il met en jeu depuis des temps très anciens les relations ambivalentes entre l’homme et les animaux domestiques que le professeur Ruckbush définissait comme des animaux capables de supporter les peines de cœur. Mais l’auteur ajoutera : « pas toutes les peines : ils demeurent des êtres sensibles envers qui l’homme a des obligations ».

 

Sources
(1) Le site Internet du Sénat www.senat.fr.
(2) Titre d’un article du Monde.
(3) Titre d’un ouvrage écrit par M. Paillotin.

 


Mélipone

Chercheur honoraire en nutrition animale (ruminants).

La retraite lui laisse peu de temps pour écrire pour Les mots des anges...

Cet article est tir du numro 2 du webzine https://www.lesmotsdesanges.com/V2 imagin par 4ine et ses invits
;