Un monde sans miel ?
Quatrième petit mystère :
« la disparition des abeilles »
JP Gené dans sa rubrique hebdomadaire « goûts » du Monde 2 lance un cri d’alarme. « Alerte sur les abeilles ! Dans le monde entier les ruches se vident, les abeilles disparaissent. Or 80 % des espèces de plantes à fleurs dépendent d’elles pour être pollinisées : sans abeilles, ni fruits ni légumes… »
Ni miel non plus, pensais-je. Certains diront que nous n’avons qu’à manger à la place de la confiture de myrtilles ou du Nutella.
Mais au fait pourquoi les abeilles font-elles du miel ?
Mélipone, qui en consomme à lui seul des quantités fort peu raisonnables, va tout nous expliquer.
Parmi les quatre espèces d’abeilles qui existent sur notre planète, deux seulement, dont celle de nos régions (l’Apis mellifera), ont accepté de vivre en colonie dans les ruches fournies par l’homme sans cependant modifier leur comportement naturel.
Une colonie d’abeilles est constituée d’individus différenciés, mâles, ouvrières et reine, qui entretiennent entre eux des relations sociales permettant une survie de la colonie sur le long terme alors que chaque individu n’a qu’une vie éphémère.
Lors des opérations de butinage des fleurs, les ouvrières utilisent des organes très spécialisés adaptés à la collecte du nectar (langue longue et jabot) ou du pollen (corbeilles et brosses sur leurs pattes postérieures). Nectar et pollen constituent respectivement leur principale source de glucides (sucres du miel) et de protéines. L’abeille profite des grandes miellées des plantes à fleurs naturelles ou cultivées pour amasser, sous forme de miel, les réserves nécessaires à la couverture de ses besoins nutritionnels notamment hivernaux. Mais son instinct boulimique la conduit à amasser dans la ruche bien au-delà de ses stricts besoins, ce qui va permettre à l’apiculteur de prélever une partie du miel sans mettre en danger la vie de la colonie.
Cependant, le rôle des abeilles en agriculture ne saurait se résumer à la seule production directe de la ruche. Les abeilles jouent en effet un rôle primordial dans la pollinisation des plantes à fleurs. La pollinisation est un processus de transport des grains de pollen depuis les organes mâles vers les organes femelles de la fleur, ce qui assure la fécondation des plantes et la production de graines. Parmi les différents processus de pollinisation (animaux, vent, eau), celui impliquant les insectes, et plus particulièrement les abeilles, est essentiel pour la production de semences, l’arboriculture fruitière et les cultures sous abri : en faisant leur marché sur les fleurs, les abeilles laissent tomber involontairement de leurs « corbeilles » du pollen sur les organes femelles d’une même fleur ou d’une fleur de la même espèce et assurent ainsi leur fécondation.
Durant les années 1960 à 1980, la modernisation de l’agriculture (destruction des haies dans le cadre du remembrement, emploi inconsidéré d’herbicides et d’insecticides) a entraîné un phénomène inquiétant de surmortalité et de dépérissement des insectes pollinisateurs et notamment des abeilles.
Des voix ont commencé à s’élever pour parler des conséquences néfastes de ce phénomène. Tout d’abord, celles des apiculteurs, touchés directement (diminution sensible de la récolte de miel), puis des agriculteurs (diminution des rendements par défaut de pollinisation notamment dans le cadre de la production de semences et des cultures fruitières). Même le grand public constate la régression de la diversité des couleurs dans les paysages prairiaux (la disparition des abeilles n’en étant pas bien sûr – et hélas – le seul facteur).
Mais c’est surtout l’humanité en charge de préserver la biodiversité et donc la qualité de la vie terrestre qui essaie de tirer la sonnette d’alarme : les insectes pollinisateurs, en participant à la biodiversité, jouent un rôle non seulement dans la lutte contre les désastres environnementaux liés aux maladies mais aussi dans le maintien de la plasticité des plantes face aux évolutions climatiques.
Cette prise de conscience devrait amener l’homme à modifier encore plus rapidement son comportement vis-à-vis des abeilles, et plus généralement des insectes, pour les réintégrer dans un monde où ils avaient leur place.
Deux articles pour en savoir plus :
JP Gené, « Alerte sur les abeilles », Le Monde 2, n° 176, « goûts ».
Gaëlle Dupont, « Les abeilles malades de l’homme« , Le Monde du 30 août 2007.
La retraite lui laisse peu de temps pour écrire pour Les mots des anges...