WEBZINE N° 20
Automne-hiver 2014/2015

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Glace royale et matcha
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Édito

Le numéro 20 des Mots des anges. Le numéro d’automne-hiver.

 

Le voici enfin.

Finalement, cela ne me dérange plus de sauter à pieds joints (et allègrement) de l’hiver à l’automne. Et tant pis pour ceux qui considèrent peu sérieux ce calendrier établi avec autant de légèreté.

Nous parlons de transmission dans la Rencontre avec la Vieille France. De vocation avec l’écrivain Marie-Aude Mirail. Mot incroyablement illustré par Emako Kita : elle nous offre une illustration pleine d’humour et de délicatesse pour chaque lettre. On apprend aussi comment on fait un dictionnaire avec notre camarade Jean-Jacques (le terme Camarade lui est resté de notre période en Chine). Pour la photo préférée du photographe cette fois-ci, une expérience originale. Enfin pour la recette, Sonia Ezgulian a choisi le radis.

Belle fin d’automne !


4ine
Conceptrice rédactrice

Rencontre avec des êtres extraordinaires

Il est de ces gens dont la rencontre vous ébranle. Par leur volonté et leur intelligence de l’autre. Par leur façon de voir la vie et de la vivre. Par leur engagement dans notre société.

Vous vous sentez grandis de les avoir approchés, regardés ou entendus. Leurs engagements sont pourtant modestes. Ils passent souvent même inaperçus. Ces êtres sont presque anonymes, mais uniquement pour ceux qui sont loin d’eux.
Nous avons voulu leur rendre hommage. Vous les faire rencontrer.

Glace royale et matcha

 

Deux choses m’ont interpellée la première fois que je suis entrée dans la pâtisserie Vieille France*. Leurs croissants, que j’ai classés comme les meilleurs de Paris (et je n’avais pas encore goûté les pâtisseries ni la brioche !…). Et dans le labo que l’on distingue à l’arrière de la petite boutique, la présence de jeunes Japonaises qui s’affairent dans un silence religieux.

J’avais sans le vouloir repéré les deux moteurs de cette belle enseigne.

 

La Vieille France, c’est une histoire d’amour à la fois avec le métier, dans sa forme artisanale la plus pure et la plus modeste, et avec le Japon.

 

Tout a commencé il y a trois générations. Les recettes que suit au gramme près Olivier Hermabessière, le chef, sont celles de son grand-père. Mais c’est son père, qui a repris la Vieille France, qui a apporté l’ouverture sur le Japon. En 1985, il a été invité par le directeur de La Tour d’Argent (au Japon à l’époque) pour former sur place l’équipe de pâtissiers.

Et depuis, sans savoir comment, comme un cadeau du ciel, de jeunes femmes et hommes japonais sont venus apprendre le métier auprès d’eux. Tous, Tomoito, Naoko, Kimura… se sont sentis ici comme dans une vraie famille. Avec Olivier, ils ont appris toutes les techniques les plus traditionnelles que peu font encore. Mais il y a aussi un vrai dialogue dans les savoir-faire de nos deux pays. Le week-end par exemple, des pâtisseries japonaises comme le short cake côtoient les religieuses et le saint-honoré.

 

4ine_Vieille France_moules

Les moules anciens qu’Olivier continue d’utiliser.

 

4ine_Vieille France_glacage royal

Le cachet VF en glaçage royal.

 

4ine_Vieille France_labo

Le labo à l’arrière de la boutique.
Kana fabrique des fleurs de lys en glace royale, et Saori des tartelettes à la crème de marrons. L’ambiance est tout à la fois sereine, laborieuse et joyeuse.

 

La pâtisserie est fort discrète, mais si on y regarde de plus près, tous les détails comptent et sont pris au sérieux. Sylvie Hermabessière, l’épouse d’Olivier et l’âme de ce lieu, y veille. À commencer par le paquet.

 

vieille france paquet monte

Le paquet monté.
L’illustration a été réalisée pour les 150 ans de la Vieille France par le célèbre graveur Albert Decaris**. Le paquet est fait sans mettre de scotch (mon amie Catherine m’a dit un jour que c’était au scotch qu’on reconnaissait les grands pâtissiers : ceux qui savent faire un paquet sans et les autres…). Ici, en plus, on arrive à le faire afin qu’on voie toute l’illustration. Même les spécialistes d’origami trouvent l’exercice difficile !

 

Pour Sylvie, leur pâtisserie est simple et raffinée. Traditionnelle. La qualité, exceptionnelle : tout est frais, uniquement à base des meilleurs produits.

 

4ine_Vieille France_religieuse

Les religieuses…

 

Mais c’est toujours une pâtisserie qui respecte les saisons avec ses fruits et ses fêtes. Comme le mirliton à la pêche, la galette abricot, le fraisier et le framboisier l’été, le colombier (avec à l’intérieur une colombe en porcelaine) à la Pentecôte, ou la bûche à la crème au beurre pour Noël. Il semblerait d’ailleurs que la célèbre bûche ait été inventée à leur ancienne adresse rue de Buci.

À Pâques, ce seront les œufs, tous faits avec des moules traditionnels. Le plus ancien est le Cupidon, un moule en argent acheté à monsieur Félix Potain.

 

4ine_Vieille France_saint-honore

Saint-honoré…

 

En fonction du jour (semaine et week-end) et de la saison, les produits changent. Sylvie aime à offrir cette variété, comme une surprise.

 

4ine_Vieille France_maki_eclair

Le week-end.
Maki japonais (ici le maki kinako) et les éclairs.

 

Tous s’attachent, ensemble, à offrir le meilleur. Dans une ambiance familiale, gourmande et d’un grand professionnalisme.

 

4ine_Vieille France_equipe

L’équipe. Finalement j’ai trouvé plus intéressant de garder les photos avant la photo de groupe.
Sur la dernière, en partant de la gauche : Kana, Olivier et Sylvie Hermabessière, Saori et Yuka passée à l’improviste mais qui n’a pu s’empêcher d’enfiler un tablier et de mettre la main à la pâte.

 

 patisserie

 

* La pâtisserie Vieille France (depuis 1834)
5, avenue Laumière, Paris 19e
du mardi au dimanche de 9 heures à 20 heures
tél. 01 40 40 08 31

 

Photos © 4ine.

 

** Le graveur Albert Decaris : il a gravé ou dessiné plus de 600 timbres, dont 174 pour la France métropolitaine.

Cet article est tiré du numéro 20 du webzine https://www.lesmotsdesanges.com/V2 imaginé par 4ine et ses invités

Cuisine imaginaire

Un cuisinier de métier ou un amateur éclairé nous livre une de ses recettes. Mais la condition est qu’elle soit inventée. Qu’on ne puisse pas la trouver dans les livres.

Radis beurre surprise

 

Quand j’ai contacté Sonia Ezgulian, je lui ai demandé une recette pour le printemps pour l’assortir avec la saison du numéro 20. Mais nous avons pris un peu de retard. Heureusement pour moi, elle a choisi de travailler autour du radis. Et son radis préféré, c’est le petit rond ou long, appelé aussi radis de tous les mois, le radis le plus commun qu’on trouve presque toute l’année sur les étals des maraîchers, dont la couleur diffère selon la variété. Voici donc une recette intemporelle…

 

Radis beurre

Radis beurre surprise.

 

Pour 4 personnes :

. 120 g de beurre demi-sel
. 2 bottes de radis ronds
. 1 cuillerée à soupe de graines de sésame
. 1 cuillerée à soupe de pistaches vertes
. 1 cuillerée à soupe de paillettes d’algues mélangées (boutiques bios)

 

1) Partagez le beurre en trois morceaux, laissez ramollir, puis malaxez-en un tiers avec les graines de sésame, un autre tiers avec les pistaches vertes hachées et un dernier tiers avec les paillettes d’algues. Réservez au frais.

2) Avec une petite cuillère parisienne, creusez un trou dans chaque radis (réservez la chair pour une salade de pâtes ou de riz) et remplissez-le avec une bille de beurre aromatisé.

Déposez ces radis beurre prêts à croquer dans un contenant isotherme pour les déguster bien frais.

Sonia nous présente les photos de 3 autres de ses recettes (que vous pourrez retrouver dans Le radis, dix façons de le préparer aux éditions de l’épure et dans Ma cuisine astucieuse. 108 recettes pour enchanter le quotidien aux éditions de la Martinière).

 

Salade tiède haddock et radis.

 

Tarte aux deux radis.

 

Tarte aux pétales de radis.

 

Photos ©Emmanuel Auger.

 

Le petit dernier sorti au printemps aux éditions de la Martinière.

 


Sonia Ezgulian

De sa grand-mère arménienne, Sonia Ezgulian a hérité du plaisir de cuisiner et de recevoir.

Autodidacte, elle a été journaliste durant dix ans à Paris Match.

De 1999 à 2006, elle a créé le restaurant Oxalis à Lyon.

Elle se consacre à l’écriture de nombreux ouvrages de cuisine en complicité avec son mari, Emmanuel Auger, photographe culinaire, et ils animent ensemble leur blog culinaire « L’épluche-sardine ».

Cet article est tiré du numéro 20 du webzine https://www.lesmotsdesanges.com/V2 imaginé par 4ine et ses invités

Ma photo préférée

La règle du jeu : un(e) photographe de métier nous présente parmi toutes ses créations celle qui a sa préférence.
Et il (elle) nous explique pourquoi c’est celle-ci plutôt qu’une autre.

Des mariés en 1967

 

Cette fois-ci, plus que la photographie, c’est ce qu’on en a fait qui m’a intéressée.

Régine Razavet, lors d’une résidence artistique, a réuni 22 témoins qui ont choisi chacun une photo de mariés de l’année 1967 (une amie lui ayant remis une boîte de tirages qui avait été jetée). Et de ces œuvres de témoins d’un événement d’il y a quarante-sept ans dont ils n’ont de clé qu’une photo, elle en a fait une exposition et bientôt un livre.

J’ai particulièrement aimé l’évocation d’Yan Stéfan.

 

les_mots_des_anges_MARIES.jpg

Photo de mariés prise par un photographe de Limoges en 1967.

 

TEXTE-YAN_STEFAN.jpg

Le texte manuscrit d’Yan Stéfan, « témoin 2013 ».

 

Sa version dactylographiée :

La photographie atteste – de façon à peu près certaine – que ce jour-là, à cet endroit-là, un événement, autrement dit quelque fait non reproductible, a bien eu lieu. Mais le simple acte de la regarder et de la commenter ne me met pas pour autant dans la position de témoin. La vérité est que je ne peux rien dire de ces deux individus, en particulier. J’ajoute que leurs postures et leurs costumes, le décor, la lumière et le cadrage, bref, tout le formalisme de l’image ne m’aide d’aucune façon à entrer dans leur vie. Pour moi, ce ne sont que deux inconnus que l’Histoire n’a pas retenus. Ni roi, ni reine, ni savants ou criminels, ils ne me rappellent personne. Ce jour-là, à cet endroit-là, ils y étaient je n’en doute pas, mais moi, je n’ai rien vu, ni rien entendu. Et peut-être même, je n’étais pas né !

Si maintenant, partant de cette image, je me réfère à mon histoire personnelle, alors au mieux je raconte ma vie, en espérant que ça intéresse mes proches, mais au pire je prête, à cet homme et à cette femme, des sentiments et des pensées qu’ils n’avaient pas. Ou bien si, pour changer, je me réfère à des connaissances que j’ai ou que je pourrais acquérir, alors au mieux je donne à ce cliché un intérêt sociologique, mais au pire j’aligne des évidences, voire des paroles de comptoir. Je reprends une dernière fois et d’une autre façon : si, partant de cette image, je me réfère finalement à ma sensibilité artistique, alors au mieux je produis une analyse rigoureuse de critique ou d’historien d’art, le pire serait que je fasse étalage de ma vanité (quoique l’un aille rarement sans l’autre…). En fin de compte, quel que soit mon angle de vue, l’événement associé à cette image m’échappe.

La déception – et le paradoxe aussi ! – vient de ce que la photographie garde la mémoire d’un moment singulier, elle immortalise un couple, un jour et un endroit, mais de ce couple, de ce jour-là et de cet endroit-là, je ne peux rien dire ni faire partager, si ce n’est un ensemble de généralités. Voire de banalités…

Yan Stéfan, le 17 septembre 2013.

 


Yan Stéfan

Yan Stéfan est artiste-auteur.

Depuis 1996, il développe de nombreux projets artistiques de spectacle vivant, en particulier des spectacles de conte.

Cet article est tiré du numéro 20 du webzine https://www.lesmotsdesanges.com/V2 imaginé par 4ine et ses invités

Petit mystère de la Nature

On l’a certainement appris à l’école. Ou par un grand-parent plus patient que les autres. Mais on a un peu oublié.

Et on s’est senti trop grand pour oser demander de nous l’expliquer encore une fois.
Nous avons décidé de prendre notre courage à deux mains pour reposer la question et savoir enfin. Une bonne fois pour toutes.

Que faire pendant 19 ans ?

 

Vingtième petit mystère :
« création d’un glossaire chinois français du taoïsme*(1) »

Un de mes amis a consacré 32 500 heures, soit 1 354 jours soit 45 mois soit 3 ans et 9 mois à ce projet. Alors même si vous n’y comprenez absolument rien, même si vous n’aviez jamais pensé qu’un tel document puisse exister et plus encore qu’il puisse servir à quelque chose, je vous suggère de lire ces quelques lignes

Petite digression (le texte en gris) que les plus prudes ne sont pas obligés de lire. Pour les autres, vous allez découvrir les raisons qui ont conduit notre cher camarade Jean-Jacques Lafitte à faire du chinois et à s’embarquer dans une telle aventure. Vous allez être surpris.

 

En septembre 1972, je me suis inscrit à un cours d’esquimau proposé par l’université du Québec à Montréal. Comme j’étais l’unique inscrit et que nous étions trois étudiants au premier cours, le directeur du département des langues anciennes et modernes est venu nous annoncer que le cours était annulé, mais que, puisque nous semblions apprécier les langues rares, nous pouvions transférer notre inscription en cours de chinois. Il nous a offert d’assister trois semaines au cours de chinois et de décider alors soit de nous faire rembourser les droits de scolarité versés, soit de transférer l’inscription en chinois. Il m’a conduit, ainsi que la Québécoise (étudiante à l’École des beaux-arts de Montréal : la talentueuse sculpteuse Andrée Pagé) qui avait accepté, au cours de chinois, dans une salle voisine. La professeur de chinois, Jenny Chang, m’a paru si belle que j’ai aussitôt décidé d’étudier le chinois, rien que pour le plaisir de la voir.
Un règlement de l’UQÀM (université du Québec à Montréal), l’annulation d’un cours auquel trop peu d’étudiants sont inscrits, est donc l’une des causes de mon intérêt pour la sinologie.

 

En 1978, j’étudiais le japonais l’été à l’université de Colombie-Britannique à Vancouver. J’y ai revu Margaret Leung, une Chinoise qui avait été ma condisciple à Toronto. Elle a voulu que nous allassions sur la plage de nudistes. Là, nous avons parlé du Laozi. Je dis que le texte ne contenait probablement pas plus de quatre cents caractères différents. Elle pensait qu’il en utilisait au moins mille(1). Rentré à Montréal, j’ai pris une édition du Laozi, ai fait des fiches, chacune avec un caractère et indiquant le nombre d’apparition. Cette envie de voir une Chinoise nue est l’une des causes de ma lancée dans la compilation du glossaire, est même la première activité qui fut directement utile pour cette compilation.

Je me suis prostitué aux services de propagande du parti communiste chinois de mai 1980 à juillet 1989. J’ai alors passé une bonne partie de mes loisirs à traduire en français le Zhuangzi et le Liezi. Les éditions Albin Michel ont publié ces traductions sous les titres Le rêve du papillon et Traité du vide parfait.

 

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J’ai entrepris la compilation de ce glossaire chinois français du taoïsme*(2) le 13 juin 1995.

Il est fréquent que je me lève vers trois heures du matin et travaille au dico jusqu’à sept heures et demie, soit quatre heures trente d’un travail qui assure que la journée ne sera pas gâchée, quelles que soient les avanies que mes élèves, chefs et collègues décident de me faire subir. Les jours où je ne vais pas au bahut, comme les jours où je ne vais au bahut qu’une demi-journée, je passe, en plus des heures matinales, trois à quatre heures à compiler dans la demi-journée libre.

J’ai passé 32 500 heures pour composer mon glossaire, en 19 ans, soit une moyenne de 1 710 heures par an. Mon métier me laissait bien des loisirs : je n’ai jamais travaillé plus de 900 heures par an lorsque j’enseignais l’anglais à des enfants qui ne voulaient pas l’apprendre.

Description du dictionnaire.

Le glossaire est compilé à partir de trois ouvrages : le Zhuangzi (ou Tchouang Tseu)*(3) , le Liezi (ou Lie Tseu) et le Laozi (ou Lao Tseu), considérés comme les textes fondamentaux du taoïsme.

 

Photocopie des pages 14 et 18 du Zhuangzi dans l’édition de Chen Guying (imprimée en RPC dans les années 1980).

 

Chaque caractère qui apparaît dans ces ouvrages a droit à une entrée dans le dictionnaire.

Le caractère est écrit en taille 20 dans la marge de droite de la page. Les entrées sont classées par radicaux et nombre de traits restants. L’entrée est suivie de la prononciation du caractère en mandarin, donc dans la langue contemporaine de Pékin, bien que de nombreux caractères se prononçaient autrement quelques siècles avant notre ère. Suit alors une parenthèse de trois nombres. Le premier est le nombre d’apparitions du caractère au Zhuangzi, le deuxième le nombre d’apparitions au Liezi, le troisième le nombre d’apparitions au Laozi. Suit un code qui indique le numéro du caractère dans la table de concordance de Harvard Yenching*(4). Puis viennent la traduction en français de ce caractère, la traduction de mots à plusieurs caractères lorsque cela arrive. Viennent ensuite des citations de phrases en chinois, suivies de leur traduction en français. Les phrases suivies d’un indicateur du genre (n/m) apparaissent au chapitre n du Zhuangzi, ligne m du Harvard Yenching ; les phrases suivies de (p) apparaissent page p de l’édition du Liezi que j’ai utilisée ; les phrases suivies de (K) apparaissent au chapitre K du Laozi traditionnel (avec éventuellement une indication que c’est l’édition de Mawangdui ou de Guodian qui est citée).

Mon glossaire contient actuellement 1 054 pages.

Voici la page 109*(5) :

勃     : bo-2 <6,0,0> V.33320. Soudainement, résister, se disputer, abonder, embrouiller. Maîtriser. 勃然 : Perdre contenance. S’exciter ; se soulever. Soudain ; subitement ; brusquement. 勃谿     : Querelle, se quereller. Se chamailler ; se disputer. 勃然動, se déplacer soudainement (12/15). 謂己道人則勃然作色, dites à une personne qu’elle flatte une autre : elle perd contenance, devient rouge de colère (12/86). 注然勃然莫不出焉, vaste, abondant, il n’est aucun être qui n’en sorte (22/40). 徹志之勃, maîtrisez la volonté (23/67). 貴富顯嚴名利六者勃志也, les honneurs, les richesses, la célébrité, le pouvoir, le renom, le profit embrouillent, chacun des six, la volonté (23/68). 室无空虛則婦姑勃谿{〇{谿, en permutant 奚 et 谷}}, si la maison n’est pas vaste, l’épouse et la belle-mère se querellent (26/40).
勁    : jin-4, jing-4 <0,1,0> Robuste. 孔子之勁能拓國門之關, de force à soulever la barre de la porte de la capitale, Confucius […] (252).
勉    : mian-3 <6,1,0> II.21322. Efforts, incitation, exhorter, encourager. Faire tous ses efforts ; faire de son mieux ; faire son possible. 132-0 自勉, voir cette entrée. 勉而一, je concentrerai mes efforts sur un point (4/15). 弟子勉之, appliquez-vous, mes disciples (5/28). […]此皆自勉以役其德者也, nos efforts pour être […] compromettent notre Efficace (14/12). 趎勉聞道<達>耳矣, n’atteint que mes [de Nanrong Chu] oreilles (23/21). 子皆勉居矣, restez ! (28/12). 子勉之, faites des efforts (31/42). 管仲勉齊桓公因遊遼口, Guanzi incita le duc Huan du Qi à profiter d’un voyage à l’embouchure du Liao (164).
勇    : yong-3 <16,11,4> III.10824; courageux, brave, audacieux. 勇敢, Intrépide (antonomase) [Littré « s. f. Sorte de synecdoque qui consiste à prendre un nom commun pour un nom propre, ou un nom propre pour un nom commun. Un Zoïle pour un critique ; l’Orateur romain pour Cicéron »] (VI.10, 210). 勇人, brave. 勇士, brave. 勇士一人雄入於九軍, un brave franchit tout seul les lignes des neuf armées (5/11). 入先勇也, entrer le premier, c’est être courageux (10/11). 獵夫之勇也, c’est le courage des chasseurs (17/63). 聖人之勇也, c’est le courage des personnes avisées (17/64). 勇動多怨, courage et activité attirent beaucoup d’inimitié (32/41). 勇有力也, la bravoure accompagnée de force (88). 三王善任智勇者, les Trois Rois excellaient à utiliser la sagesse et le courage (120). 子曰由之勇賢於{[于]}丘也, Confucius : Son courage est supérieur au mien (122). 勇於汭, nageur courageux (266). 慈故能勇, (lxvii et 32, xx). Voir 9-6 來, 18-6 刺, 37-13 奮,

*(1) Le Laozi a 5 408 caractères dans l’une des deux éditions sur soie découvertes à Mawangdui en 1973, et 5 443 dans l’autre. Les éditions connues avant avaient toutes plus de 5 000 caractères.

*(2) Le taoïsme est l’étude de la Voie, qui reste mystérieuse. C’est une philosophie anti-confucéenne.

*(3) Romanisation des noms chinois selon le système pinyin et entre parenthèses selon le système de l’École française d’Extrême-Orient utilisé par Albin Michel. Un grand sinologue suisse est opposé au pinyin, bien des Français aussi, sous prétexte que pour bien prononcer, il convient de lire comme si on était américain ou néozélandais.

*(4) Avant la seconde guerre mondiale, des sinologues de l’université Harvard, avec des confrères de l’université de Yenching ont publié une édition du Zhuangzi, avec un index : pour chaque caractère, on trouve à quelle ligne de quel chapitre il se trouve. On l’appelle édition de Harvard Yenching.

*(5) Page choisie presque au hasard : « J’ai choisi un nombre premier (je ne joue que des nombres premiers à l’Euro Millions). »

 


Jean-Jacques Lafitte

Jean-Jacques Lafitte s'est prostitué aux services de propagande du parti communiste chinois de mai 1980 à juillet 1989.

Il a alors passé une bonne partie de ses loisirs à traduire en français le Zhuangzi et le Liezi.

Les Éditions Albin Michel ont publié ces traductions sous les titres Le rêve du papillon et Traité du vide parfait.

Cet article est tiré du numéro 20 du webzine https://www.lesmotsdesanges.com/V2 imaginé par 4ine et ses invités

Mot & merveilles

Un mot plutôt qu’un autre. Pourquoi un mot nous parle-t-il plus qu’un autre ? Pourquoi nous interpelle-t-il ?
Est-ce sa musicalité, son sens ou son histoire qui nous le font préférer à tous les autres ?

Deux invité(e)s se prêtent au jeu, l’un(e) pour l’écrire, l’autre pour l’illustrer, mais sans se concerter !

Vocation

C’est un livre (Miss Charity de Marie-Aude Murail), d’aucuns diraient un pavé, qui m’a entraînée dans cette aventure. Un livre « coup de cœur du libraire », déniché dans la belle librairie du Parc de La Villette. Un livre édité par L’école des loisirs, un éditeur pour les pas très grands normalement. Mais quand c’est un livre magnifique, on peut le lire à tous les âges, non ?

Et j’ai voulu chercher l’auteur pour le mot de ce numéro. Mot qui lui est venu très vite : Vocation.

Pour l’illustrer, Emako San a été d’une incroyable générosité : 8 dessins avec des légendes en proverbes / jeux de mots (en français s’il vous plaît).

 

V      O      C      A      T      I      O      N   :
les 8 lettres du mot illustrées par 8 dessins merveilleux.

 

Pour le V de Vocation : Voyageur bossant la voltige qui a le vertige.

 

Pour le O de Vocation : Oculiste pour chouettes n’ayant pas froid aux yeux.

 

Pour le C de Vocation : Coiffeur qui coupe les cheveux en quatre.

 

Pour le A de Vocation : Alchimiste d’anchois avec le bec fin.

 

Pour le T de Vocation : Tailleur taillant des tailleurs de toutes les tailles.

 

Pour le I de Vocation : Inspecteur d’incident insoluble le nez sur son travail.

 

Pour le deuxième O de Vocation : Orpailleur à l’oreille basse.

 

Pour le N de Vocation : Navigateur naufragé qui ne dort que d’un œil à cause de son passager montrant patte de velours.

 


Emako Kita

Née à Kagawa au Japon, Emako Kita vit maintenant à Paris.

Depuis quelques années, elle fait quand elle en a le temps des « livres d’images ».

Elle a remporté plusieurs prix prestigieux au Japon avec ses illustrations :
– Special prize au 29th NISSAN Children’s storybook and picture book Grand Prix en 2013.
– Excellent prize au 25th NISSAN Children’s storybook and picture book Grand Prix en 2009.
– Excellent prize au 24th NISSAN Children’s storybook and picture book Grand Prix en 2008.

 

 

VOCATION par Marie-Aude Murail

« Pourquoi vous êtes devenue écrivain ? » Chaque fois que je vais à la rencontre de mon public, je n’y coupe pas. « Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire ? » Dans une même journée, je peux faire quatre réponses différentes. Laconique avec les CE2 : « J’écris pour être lue » ; implacable avec les CM2 : « Mon père écrit, ma mère écrit, ma sœur écrit, mon frère écrit, ma belle-sœur écrit, ma nièce écrit. Je fais quoi ? Pharmacienne ? » ; poétique avec les cinquièmes : « Je croyais choisir et j’étais choisi(e) » (Aragon) ; insondable avec les troisièmes : « On s’imagine que la création est un trop-plein qui se déverse et jamais que c’est un manque qu’on cherche à remplir. Moi, je n’arrivais pas à toucher les autres, j’étais comme dans le conte La jeune fille sans mains. Je me suis aperçue que je pouvais toucher les autres avec les mots. »

Mais j’ai encore d’autres cartouches. Le lendemain, et pour ne pas lasser mon accompagnatrice, je peux servir la version bad guy : « Mon éducation m’avait laissé croire que seuls les hommes avaient le droit de créer et ma petite sœur m’a prouvé le contraire en se faisant publier très jeune, et son premier roman, Escalier C, a eu beaucoup de succès, on en a fait un film. Je ne pouvais plus la voir en peinture. De rage, j’ai écrit mon premier roman. La jalousie, c’est de l’essence dans votre moteur. » Ou la version petite fille modèle : « Pour maman, il y avait Dieu et juste au-dessous, il y avait les artistes. Je voulais que maman m’aime. Je ne pouvais pas faire Dieu. J’ai fait écrivain. »

Un auditoire agité aura droit à une saynète. Je leur mime nos jeux d’enfants, je fais parler nos animaux en peluche, je montre les enfants Murail transformant la chaise en cheval ou en luge, et je conclus : « Ce n’est pas forcément nécessaire d’enfermer les enfants dans un placard pour en faire des écrivains, mais ça peut aider. »

L’écriture donna une consistance à mes jeux d’enfants. Comme me dit un jour mon petit garçon Benjamin qui passait sa vie déguisé tantôt en mousquetaire tantôt en Goldorak : « Je ne me regarde pas trop dans la glace, parce que je vois qui je suis. » Le jeu ne fait illusion à l’enfant que par instants, avec l’écriture, comme le dit Sartre dans Les mots : « Je crus avoir ancré mes rêves dans le monde. »

 

CHARITY2


Marie-Aude Murail

Sur la page d’accueil de son site on peut lire : Marie-Aude Murail écrit depuis toujours.

Elle publie depuis vingt-cinq ans. Elle a plus de quatre-vingt-dix titres à son actif. Des contes, des feuilletons, des nouvelles, des essais, des récits. Et des romans d’amour, d’aventures, policiers, fantastiques… Même une méthode de lecture, Bulle !

Ses livres ont reçu des dizaines de prix, sont étudiés en classe et empruntés dans toutes les bibliothèques.

Elle est allée partout, dans les ZUP et les ZEP, les campagnes et les villes, les déserts et les îles, en France et ailleurs… Elle a rencontré beaucoup d’enfants et d’adolescents.

Cet article est tiré du numéro 20 du webzine https://www.lesmotsdesanges.com/V2 imaginé par 4ine et ses invités