WEBZINE N° 7
Hiver 2008/2009

WEBZINE N° 7
Hiver 2008/2009
Une tête blonde parmi les cornes
rencontre
Cuisses de canard laquées au sirop d’érable (Maple duck)
cuisine
The Bhutan monk
photo
Que fait donc la nature en hiver ?
mystère
Épiphanie
mot
Archives
édito
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Édito

Le numéro 7 des Mots des anges. Le numéro d’hiver.

 

Pour fêter notre deuxième anniversaire. En plein cœur d’un vrai hiver.

Une lettre tournée vers la froidure. Et le sacré aussi finalement.

Avec de nouveaux invités et des territoires (imaginaires ou intérieurs) à découvrir. Notamment le monde du petit élevage avec Laurence qui habite au bord du Chemin de César pour la rubrique de la Rencontre, Susan la New-Yorkaise qui nous amène tout près d’un lac sacré pour sa Photo préférée et Anne de Ravel qui a imaginé une recette de canard laqué version Québec.

Merci à ceux et celles qui m’encouragent à continuer et qui font (vont faire…) découvrir Les Mots des anges autour d’eux (elles).

Bienvenue !


4ine
Conceptrice rédactrice

Rencontre avec des êtres extraordinaires

Il est de ces gens dont la rencontre vous ébranle. Par leur volonté et leur intelligence de l’autre. Par leur façon de voir la vie et de la vivre. Par leur engagement dans notre société.

Vous vous sentez grandis de les avoir approchés, regardés ou entendus. Leurs engagements sont pourtant modestes. Ils passent souvent même inaperçus. Ces êtres sont presque anonymes, mais uniquement pour ceux qui sont loin d’eux.
Nous avons voulu leur rendre hommage. Vous les faire rencontrer.

Une tête blonde parmi les cornes

 

Cela faisait longtemps que j’avais envie de la rencontrer. Depuis que Francis, son mari, m’avait parlé d’elle et de cette vie qu’elle s’est choisie à 39 ans.

J’ai préféré un moment de l’année où c’est presque tranquille, où il y a beaucoup moins à faire. Juste avant que les femelles de son troupeau mettent bas. Laurence Nory est chevrière.

 

Dans la maison suédoise tout en bois, bien au chaud autour d’un café. La boîte en fer blanc pour le sucre.

 

La mise bas va commencer dans neuf jours. Laurence le sait car elle connaît son troupeau. Et le suit de très près. Avec amour et dévotion. Et beaucoup d’écoute et d’intuition. En attendant, donc, c’est presque une vie normale !

 

Avec le troupeau de race poitevine.

 

Le troupeau compte 28 chèvres et un bouc. Sans parler de celui qui va le remplacer et qui est pour l’instant en quarantaine.

Car Laurence n’a pas choisi la facilité. Son troupeau est de race poitevine, une race ancienne qu’elle essaye avec quelques-uns en France de relever. Il faut donc changer de bouc régulièrement pour éviter la consanguinité. Et comme il n’y a plus que 2 000 têtes de cette race, ce n’est pas tâche aisée d’en trouver des purs.

Aussi, elle ne les écorne pas car elle estime que cela leur change le caractère. Par contre, cela demande plus de vigilance car un coup de corne peut être fatal.

 

À midi, distribution de foin.

 

Et elle les nourrit bien : au foin et en complément un mélange d’orge et de pois biologiques. C’est meilleur mais cela coûte plus cher. Car elles mangent les chèvres : 3 à 4 kg de foin par jour et 3 fois 200 g de complément. Pour 3 à 4 litres de lait (contre 6 litres pour la race des alpines). Le foin c’est le sien, mais l’an dernier, à cause des pluies, elle n’a pas pu tout rentrer et a dû en acheter. Des frais supplémentaires qui n’étaient pas prévus.

Elle a des projets de semer des herbes médicinales pour que les chèvres puissent s’automédiquer. Elle les a vues faire quand elle apprenait le métier auprès d’une autre chevrière. Les chèvres, comme les grands singes notamment, savent trouver les plantes qu’il leur faut quand elles sont malades. Encore faut-il qu’elles soient en liberté pour les chercher !

 

À droite, l’endroit de la traite.

 

Le troupeau devrait passer à 45 têtes. Et Laurence ne sait pas encore comment elle va arriver à tout gérer. Avec 45, elle devrait s’en sortir mieux financièrement. Par contre, plus de chèvres à traire, et plus de lait produit, cela implique des nouveaux investissements. 20 000 €. Que le banquier a refusé de lui prêter. Les banques ne sont pas compréhensives, ni les services sanitaires d’ailleurs. Depuis le début, elle se bat pour maintenir son activité mais rien n’est acquis.

45 têtes, c’est aussi le double de travail. Car en plus de s’occuper du troupeau, Laurence fait ses fromages qu’elle vend sur les marchés des environs et par le canal des AMAP*. Pour les AMAP, elle s’engage à livrer 5 € de fromage par semaine et par panier. Mais cela implique de s’occuper aussi des livraisons et comme elle est loin de tout (à 20 km de Nemours), c’est beaucoup de temps de perdu.

Au bout de quatre ans d’exercice, le travail est toujours aussi dur, les journées aussi longues (la traite étant à 6 h 30, les jours de marché, le lever est à 4 h 30…) et on ne part pas en vacances. Mais les récompenses sont arrivées.

Le troupeau va bien : elle n’a plus de chèvres malades comme les deux premières années. Et elle a remporté 4 prix (dont 2 médailles d’or) au Concours de fromages de chèvres fermiers 2008 d’Île-de-France. Un exploit pour une toute nouvelle dans le métier. Laurence va bientôt pouvoir traire à nouveau et refaire ses fromages. Nous les attendons avec gourmandise !

 

Laurence au milieu de son troupeau.

 

Ah ! J’avais oublié de vous signaler qu’elle a appelé sa chèvrerie Missacapri. Car quand ses chèvres bêlent de concert, on dirait une messe, une vraie communion.

 

* Une AMAP est une Association pour le maintien d’une agriculture paysanne ayant pour objectif de préserver l’existence et la continuité des fermes de proximité dans une logique d’agriculture durable, c’est-à-dire une agriculture paysanne, socialement équitable et écologiquement saine, de permettre à des consommateurs d’acheter à un prix juste des produits d’alimentation de qualité de leur choix, en étant informés de leur origine et de la façon dont ils ont été produits, et de participer activement à la sauvegarde et au développement de l’activité agricole locale dans le respect d’un développement durable.

Elle réunit un groupe de consommateurs et un agriculteur de proximité autour d’un contrat dans lequel chaque consommateur achète en début de saison une part de la production qui lui est livrée périodiquement à un coût constant. Le producteur s’engage à fournir des produits de qualité dans le respect de la charte des AMAP.

 


Laurence Nory

Cet article est tiré du numéro 7 du webzine https://www.lesmotsdesanges.com/V2 imaginé par 4ine et ses invités

Cuisine imaginaire

Un cuisinier de métier ou un amateur éclairé nous livre une de ses recettes. Mais la condition est qu’elle soit inventée. Qu’on ne puisse pas la trouver dans les livres.

Cuisses de canard laquées au sirop d’érable (Maple duck)

 

Anne de Ravel, journaliste culinaire d’origine languedocienne ayant émigré aux États-Unis, cherchait deux idées de recette. Une autour du sirop d’érable pour un article culinaire sur le Carnaval et Mardi gras au Québec. Et une autre pour accommoder les cuisses de canard, mets trop peu utilisé à son goût.

Elle eut l’idée de les associer. Ainsi commence sa recette…

 

Pour 6 personnes :

. 2,5 cuillères à café de gros sel
. 1 cuillère à café de gingembre frais râpé
. 1 gousse d’ail haché
. 3 ou 4 piments oiseaux hachés fin
. 2 badianes (anis étoilé)
. 2 cuillères à café de thym frais
. 6 cuisses de canard
. 8 cuillères à soupe de sirop d’érable
. 4 cuillères à soupe de vinaigre de vin
. 1,5 tasse de vin rouge
. bouquet garni : 1 morceau de gingembre de 2 cm, 1 branche de thym, 5 grains de poivre et 1 badiane, le tout enveloppé dans un morceau d’étamine
. poivre au moulin

 

Les épices.

 

1) Mélanger sel, gingembre, piment, badiane et thym dans une grande jatte. Ajouter les cuisses de canard et bien répartir le mélange. Couvrir et mettre au frais entre 6 et 24 heures.

 

Entre 6 et 24 heures.

 

2) Préchauffer le four à 180 degrés.

3) Essuyer les cuisses de canard soigneusement avec un papier absorbant. Les déposer côté peau vers le haut dans un plat allant au four et rôtir pendant 1 heure.

4) Pendant ce temps, mettre le sirop d’érable dans une casserole à fond épais. Laisser bouillir pendant 2 min à feu moyen. Ajouter le vinaigre tout en remuant. Baisser le feu et laisser mijoter à petit bouillon pendant 5 min. Ajouter le vin rouge et le bouquet garni et laisser réduire de moitié à feu très doux. Retirer le bouquet garni.

 

Le sirop d’érable en ébullition.

 

Bouquet garni et vin rouge ajoutés.

 

5) Retirer le plat du four. En faisant très attention, enlever la graisse accumulée au fond du plat. Ajouter une demi-tasse d’eau et déglacer le plat. À l’aide d’un pinceau, badigeonner les cuisses de canard de la sauce au sirop d’érable. Enfourner pendant 30 min.

Au moment de servir, réchauffer la sauce au sirop d’érable, placer les cuisses de canard dans les assiettes et les arroser avec un peu de sauce. Servir le reste en saucière. Ce plat peut se déguster aussi avec un riz basmati. Pour l’accompagnement, des petits navets blancs et jaunes, rôtis à la graisse de canard.

 

 

Cooking on the Road with Celebrity Chefs by Anne de Ravel (Editor).

 


Anne de Ravel

Anne de Ravel est journaliste culinaire.

Elle propose aussi des ateliers de cuisine dans le Languedoc.

Cet article est tiré du numéro 7 du webzine https://www.lesmotsdesanges.com/V2 imaginé par 4ine et ses invités

Ma photo préférée

La règle du jeu : un(e) photographe de métier nous présente parmi toutes ses créations celle qui a sa préférence.
Et il (elle) nous explique pourquoi c’est celle-ci plutôt qu’une autre.

The Bhutan monk

 

  1. Susan Moriguchi, mon amie new-yorkaise que j’ai connue au Japon dans un atelier de bijouterie où nous allions une fois par semaine, a choisi vite. Une photo prise un jour important pour les Américains et dans un lieu magique et peu connu encore, le Bhoutan. Une photo prise après plusieurs heures de quête et d’efforts. Et, pourtant, on ne ressent que la grâce et la sérénité. Et l’immensité de la nature.

 

 

« Nov 5th, 2008. The day after our presidential election in the U.S. and I’m as far away as possible from the elation, relief and celebrations going on back home. I’m in the Buddhist Kingdom of Bhutan on the second day of a three-day trek to a sacred lake at 4,000 meters, traveling with my Bhutanese friend, three Buddhist monks and a Scottish man who turned sixty years old that day. I caught one of the monks after five hours of hiking, at the edge of the sacred lake, after he did prostrations towards the lake and the extreme fog quickly cleared just enough to see the meeting line of where the lake and rocks met. It’s snowing and slushy. We dropped paper money into the lake and said a prayer. »

 


Susan Moriguchi

Susan Moriguchi is a design director in Manhattan and calls New York her home.

Observing other peoples and cultures through travel gives her inspiration.

Cet article est tiré du numéro 7 du webzine https://www.lesmotsdesanges.com/V2 imaginé par 4ine et ses invités

Petit mystère de la Nature

On l’a certainement appris à l’école. Ou par un grand-parent plus patient que les autres. Mais on a un peu oublié.

Et on s’est senti trop grand pour oser demander de nous l’expliquer encore une fois.
Nous avons décidé de prendre notre courage à deux mains pour reposer la question et savoir enfin. Une bonne fois pour toutes.

Que fait donc la nature en hiver ?

 

Septième petit mystère :
« de l’utilité de l’hiver »

Nous venons de franchir le pas : plus de la moitié de l’humanité vit dans les zones urbaines. Et c’est un mouvement pour l’instant irréversible au niveau planétaire.

Pour les citadins, la nature devient rapidement une notion de plus en plus abstraite. À finir par se demander pourquoi elle existe ! Si on leur demandait leur avis, ils rayeraient l’hiver de la carte des saisons. Pour ne garder qu’un éternel été et profiter des terrasses de café sans grelotter.

Mais que fait donc la nature en hiver pendant que les ours hibernent ? Que se passe-t-il sous la terre ?

Mélipone, notre spécialiste nature, a pris le temps d’aller y voir de plus près.

 

 

La vie sous terre

On peut considérer que d’un point de vue physico-chimique les sols sont essentiellement constitués d’eau et surtout de minéraux (notamment les argiles) et de matières organiques en voie de dégradation (humus). Ces 2 derniers éléments, en formant un complexe argilo-humique, donnent naissance à des agrégats de formes et dimensions variables qui conditionnent « l’architecture des sols » (les agronomes parleront de structure).

Ces caractéristiques physico-chimiques ne suffisent cependant pas pour définir les sols. En effet, ces derniers sont aussi le site d’un biodynamisme intense mais variable selon les conditions de milieu (voir plus loin). Tout d’abord, la plupart des végétaux y trouvent les conditions indispensables pour ancrer leur partie aérienne, développer leur système racinaire nécessaire à leur croissance (absorption racinaire) et enfin stocker des réserves. Ensuite les sols sont un milieu de vie récurrent ou temporaire pour de très nombreux êtres vivants parmi lesquels figurent des tout petits (bactéries) mais aussi des insectes, des vers, des rongeurs qui y creusent de nombreuses galeries, etc.

 

De l’influence de l’hiver.

 

À première vue, l’hiver, par les modifications souvent brutales des conditions de milieu qu’il entraîne, vient « martyriser » ces différentes formes de vie notamment dans les couches superficielles des sols. Ce sont tout d’abord les pluies abondantes qui, en « fluidifiant » la structure des sols, vont jouer un sale tour à nos forêts soumises aux tempêtes hivernales. Mais que dire de ces voies d’eau, terreur de nos mineurs, qui noient sans discernement les êtres faiblement ou pas mobiles. L’hiver va aussi bousculer le gradient des températures dans le sol. Ainsi le gel va stopper ou détruire la vie dans les couches superficielles, et la survie sera liée, ici aussi, à la faculté de pouvoir se rapprocher (un peu) du noyau de la terre. Inutile de dire que, de ce point de vue, le système racinaire des végétaux est d’autant plus vulnérable qu’il est superficiel. On citera le cas extrême de certains végétaux (céréales d’hiver, doucette, fraisiers) qui sont véritablement « déchaussés » par les cristaux de glace.

 

 

L’hiver apporte aussi des bienfaits, subis ou souhaités, dans les sols. En effet, il va être un élément régulateur des populations vivant dans le sol (d’un point de vue écologique) en détruisant « la vermine » néfaste à l’agriculture (d’un point de vue anthropologique). Par ailleurs, il va apporter un concours substantiel à l’agriculteur en ameublissant la structure des sols et notamment celle des « terres fortes » (riches en argile) et labourées en automne. En un mot, l’hiver procède bien de l’ordre éternel des champs.

 

 

Puy de Monténard et lac d’Aydat (Auvergne, 63), Noël 2008.

Photos © 4ine.

 


Mélipone

Chercheur honoraire en nutrition animale (ruminants).

La retraite lui laisse peu de temps pour écrire pour Les mots des anges...

Cet article est tiré du numéro 7 du webzine https://www.lesmotsdesanges.com/V2 imaginé par 4ine et ses invités

Mot & merveilles

Un mot plutôt qu’un autre. Pourquoi un mot nous parle-t-il plus qu’un autre ? Pourquoi nous interpelle-t-il ?
Est-ce sa musicalité, son sens ou son histoire qui nous le font préférer à tous les autres ?

Deux invité(e)s se prêtent au jeu, l’un(e) pour l’écrire, l’autre pour l’illustrer, mais sans se concerter !

Épiphanie

 

Isabelle Tarde, notre Isa toujours pleine d’énergie et de courage, s’est jetée à l’eau, quand la bouche pleine de miettes de la dernière galette de l’année, nous parlions des Mots des anges à des amis venus du Canada. Épiphanie. Voici le mot qu’elle a choisi.

 

Illustration de Diana Schneider.

 


Diana Schneider

Jeune graphiste texane pleine de talent.

 

Épiphanie 

Épiphanie est un mot qui porte en lui le mystère poétique de la révélation. Il en a la grâce… L’Épiphanie est pour les chrétiens la révélation de la manifestation du Christ dans le monde. Ce fut même jusqu’au Ve siècle la grande et unique fête de la chrétienté.

L’épiphanie est associée pour moi à un imaginaire visuel. Des images liées à la fête d’abord : j’aime celle de mon enfance que j’associe à l’image naïve du calendrier de l’avent où ces mages processionnaires et magnifiques, Melchior l’Africain, Balthazar et Gaspard, se défiant du méchant roi Hérode, viennent déposer leurs offrandes de myrrhe, encens et or aux pieds de l’Enfant Jésus. Il y a celle moins colorée mais plus récente de la salle paroissiale du quartier, où les volutes profuses de l’encensoir ont fait tousser le curé et les fidèles. Et puis bien sûr, il y a celle légèrement nauséeuse des miettes de la énième galette sur l’assiette à gâteaux.

Il faut savoir que ce mot épiphanie n’a pas qu’une acception religieuse. L’épiphanie est devenue poétique, littéraire, artistique, plutôt profane mais toujours élevée. De toutes les épiphanies que recèlent les narrations du moi, je préfère celle d’une amie chère qui, en pèlerinage littéraire, s’est baignée dans l’étang jouxtant la maison d’un grand poète de Nouvelle-Angleterre. Dans cette eau fraîche, le regard vers le ciel que dégageait la trouée des arbres, elle a, m’a-t-elle raconté, vécu une réelle épiphanie. Ça m’a frappé : et dans mes pensées, par la magie d’une révélation subséquente où s’est opéré un véritable décentrement du sujet, l’épiphanie prenait corps et faisait la planche dans un pond.

 


Isabelle Tarde

Cet article est tiré du numéro 7 du webzine https://www.lesmotsdesanges.com/V2 imaginé par 4ine et ses invités