ECHOES (from Indian Ocean)
TN1520
Qu’y a-t-il d’africain dans la photographie africaine ?
La Fondation Calouste Gulbenkian qui l’a célébrée avec sa magnifique exposition Present Tense – Photographies du Sud de l’Afrique (qui vient hélas de finir) n’a pas répondu à cette question.
Peu visibles en Europe bien que porteurs d’autant de talents que d’un regard aiguisé sur leurs sociétés, deux importantes générations de photographes étaient présentées. Les quatorze photographes venus du Sud du continent (Angola, Afrique du Sud, Madagascar, Mozambique, République démocratique du Congo et Zambie) qui ont participé à cette exposition ont en commun de se placer au-delà de cette étiquette et s’inscrivent dans une communauté artistique internationale. Beaucoup d’entre eux photographient l’espace public, objet de tensions en Afrique. Ils développent deux tendances : alors que certains prouvent qu’ils n’oublient pas leur passé et leur histoire, d’autres se tournent désormais vers l’avenir.
La Fondation m’a organisé une rencontre avec l’une d’entre eux : Malala Andrialavidrazana.
La photo qu’a choisie Malala Andrialavidrazana fait partie d’un projet plus ambitieux que les précédents, Echoes (from Indian Ocean), qui initialement était intitulé Ny any aminay (expression malgache qui signifie à la fois « intimité », « lieu accueillant » et « foyer »).
Dans ce projet, Malala propose de penser les multiples réalités d’identité de l’océan Indien – en tant que territoire géographique de rencontres et d’interconnexions – à travers quatre lieux représentatifs de cette diversité : Antananarivo (Madagascar), La Réunion, Mumbai (Inde) et Durban (première ville indienne d’Afrique du Sud).
À partir de photos délicates prises dans des intérieurs domestiques, elle révèle le métissage culturel global d’une classe moyenne au sens très large (upper / lower middle class) absente des visions extérieures de l’océan Indien, généralement situées entre exotisme et voyeurisme de la catastrophe.
Malala a décidé de ne pas nommer les lieux de ces clichés. Un œil peu averti ne saurait dire si la photo a été prise dans un intérieur d’Antananarivo ou de Durban. Elle a choisi aussi de ne pas systématiquement montrer les habitants des lieux. Car les objets racontent à eux seuls leurs propriétaires et le monde contemporain où ils habitent.
Elle souhaite avant tout montrer une image dans laquelle les habitants de ces territoires peuvent se reconnaître.
Elle va à la rencontre de ces intérieurs très discrètement, avec un matériel léger, et leur demande de ne rien changer aux lieux pour en saisir toute la spontanéité.
Si l’on regarde par exemple la TN 1520 attentivement, tous les objets nous parlent. C’est l’intérieur d’une femme sans doute assez jeune qui prend soin d’elle, peut-être d’un couple. On y voit en vrac les effets de la mondialisation : une cassette audio piratée d’Eminem (qui actuellement écoute Eminem à partir d’une bande audio piratée ?), deux flacons de vernis d’une petite société d’export de Bangkok très bon marché. Des cassettes de groupes pop-rock locaux et de variétés. On voit aussi les contradictions du monde moderne avec une crème cosmétique locale pour blanchir la peau.
C’est par l’architecture (elle est diplômée de l'école d'Architecture Paris-La Villette en 1996), qu’elle s’est approchée du langage de la photographie après son projet de recherche sur la culture funéraire à Madagascar.
Elle obtient en 2004 le prestigieux prix HSBC pour la Photographie.
Le travail de Malala Andrialavidrazana s’intéresse à la ville et à sa structure sociale, saisissant les enjeux socio-culturels de l’organisation spatiale des métropoles.
Elle est représentée à Paris par la galerie Baudoin Lebon.
La série Echoes (from Indian Ocean) a donné lieu à un livre éponyme aux éditions Kehrer Verlag.