WEBZINE N° 16
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Ma photo préférée

La règle du jeu : un(e) photographe de métier nous présente parmi toutes ses créations celle qui a sa préférence.
Et il (elle) nous explique pourquoi c’est celle-ci plutôt qu’une autre.

Le couteau

 

C’est une rencontre de hasard. J’étais venue avec mon père au MARQ (musée d’art Roger-Quilliot) de Clermont-Ferrand pour la passionnante exposition Études pour le Radeau de la Méduse, de Théodore Géricault. Comme nous avions du temps (et que c’était la canicule dehors ce 19 août), nous avons déambulé dans le musée et sommes tombés sur une exposition de photographies qui nous a profondément émus et littéralement scotchés : Face au silence, de Christophe Agou.

Depuis l’hiver 2002, Christophe Agou revient dans son pays d’enfance, le Forez, pour y photographier « la mémoire et le présent d’hommes et de femmes qui restent attachés à leur terroir où sont nés et morts leurs aïeux ». Parce qu’il a pu établir des liens forts avec ceux qu’il photographie, il saisit des moments d’intimité tellement profonds que peu pourraient arriver à les photographier. C’est au-delà du témoignage documentaire, un véritable témoignage humain. Il nous plonge dans ce monde, parmi ses survivants, pour comprendre et sentir la vie comme elle va, de plus en plus isolée, si différente de la vie urbaine. Ces paysans semblent d’un autre temps, d’un autre monde. Tous sont marqués par une vie de dur labeur, mais cette vie est leur vie.

Un regard fort et sensible, entre humour et tragédie. Christophe Agou, presque comme un peintre, donne à voir des compositions aux couleurs sublimes, et porte un regard sans fioriture ni compassion, mais tendre et lucide, sur un monde oublié.

Je lui ai demandé de choisir une photo parmi cette série.

 

 

« … C’est une de mes photos préférées de la série Face au silence (2002-2010). Un instant entre absence et présence.

Le couteau appartient à Jean, célibataire, vivant seul à présent depuis la mort de son frère aîné, Paul.

Sur la table en formica, des miettes de pain. Le couteau a quitté la poche du pantalon… la lame a traversé les époques.

La tasse de café en porcelaine de ses parents retrouve une seconde vie… La Vierge nous regarde… Timides et curieux, les chats sont immobiles et attendent. Le temps est suspendu. Le silence en dit long. Le vide est complet dans cette image… »

 

Cette photo est entrée dans la collection permanente de la BNF.

 

 


Christophe Agou

Déjà remarqué par la critique internationale pour plusieurs travaux (notamment Life Below, 2004, une traversée en noir et blanc du métro new-yorkais), Christophe Agou, né en 1969 à Montbrison, petite commune située au pied des monts du Forez, quitte la France en 1992 pour s’installer à New York.

Cet exil précoce et volontaire, cette soif d’immersion dans un monde tout autre, est à l’image de l’œuvre que Christophe Agou développe depuis une vingtaine d’années : une exploration empirique et intuitive d’univers, de situations, d’êtres, qu’il appréhende par imprégnations progressives et dont il ne rend compte qu’au moment où il se sent entrer en résonance intime avec eux.

Adepte de la sentence rimbaldienne « Je est un autre », Agou semble habité par la seule mais entêtante quête des formes multiples et mouvantes de l’altérité. Passant avec une égale aisance du noir et blanc à la couleur, du paysage au portrait, il ne privilégie aucun style, veillant à renouveler sans cesse les formes et les conditions de sa propre vision.

Le projet Face au silence de Christophe Agou s’est vu décerner le 17e Prix européen du livre de photographie (European Publishers Award for Photography).

Cet article est tir du numro 16 du webzine https://www.lesmotsdesanges.com/V2 imagin par 4ine et ses invits
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