Le choix de Sophie : Volubile
Illustration d’Aude-Simone.
On peut voir son travail sur sa page FB. Ou à Poitiers !
Sophie Federkeil a choisi de nous parler de « Volubile ».
Du latin classique volvere qui signifie « faire tourner », l’adjectif volubile évoquait au haut Moyen Âge la mer et ses humeurs aussi inconstantes que celles d’une femme, puis perdit son i joli pour devenir « voluble », heureusement très vite dissous dans les remous de la Renaissance. Littéralement « tournant », le terme s’applique aux tiges souples et graciles qui s’enroulent autour d’un support pour prendre un peu de hauteur. D’où les volubilis, que d’aucuns moins poètes nomment « liserons ».
Mais l’essence de « volubile » réside au sein des calices de fleurs plus figurées.
Si l’on part du principe que la langue, oui, celle que nous avons dans la bouche, a des propensions à se mouvoir de çà et de là, notre organe volubile dispose la voix à la vivacité des roulements. Et de là le sens le plus commun du vocable : bavard, loquace, agitant des paroles abondantes et rapides.
Il est bien vrai que doté d’une telle langue, notre discours prend alors une tournure toute volubile, évoluant par enroulements, spirales et arabesques, au gré de nos pensées, qui deviennent autant d’ondes volatiles, et s’évaporent aisément dans le flot impétueux de la parole, fluide.
Vol – ubile : une envolée de mots tourbillonnants, aussi fine et légère que la vapeur, immatérielle, changeant à loisir de sens et de direction. De-ci. De-là. Et il me plaît à penser que de toutes ces gracieuses volutes de mots émane un plaisir voluptueux. Car l’on goûte pleinement la saveur de chacun sur le bout de notre langue. Et l’on s’en délecte tout autant intellectuellement. Oui, quelle volupté, ces tournicotis du langage. Une ivresse légère nous surprend à babiller ainsi. La tête nous tourne, nos cheveux s’animent à leur guise, les bras s’agitent. Le corps tout entier devient volubile. Quelle fantaisie !
Et n’oublions pas qu’il y a fort longtemps, ce terme était également employé pour signifier la facilité de notre cœur, ou de notre esprit au changement, à l’inconstance, à l’instabilité. Et pourtant, de tout temps, « rien n’arrête la volubilité de notre esprit » (Pascal, Pensées).
Sophie a demandé à ses amis de se prêter au jeu : brodeuse haute couture, artiste multimédia, chercheur en virologie, et écrivain. Chacun d’entre eux, dans le désordre, nous invite à partager sa propre évocation.
« Pour moi, la volubilité évoque surtout la délicate convolvulacée de nos jardins. Incomprise et rejetée, elle fait danser ses tiges graciles. Elle se glisse dans le lit des cassis sérieux et des framboisiers romantiques et d’une étreinte sensuelle, elle éclôt en immenses coupes éclatantes transformant le vert verger en tableau de Monet. Le mot “volubile” évoque exactement cela pour moi : un débordement exubérant et éphémère de fleurs ou de mots fragiles sans autre but ni prix que d’exister. »
Ami(e) 1
« Dans mon esprit, ce mot est féminin (je sais que c’est un adjectif) et je l’associe au papillon. Je m’explique. La première image qui m’est venue à son évocation est celle d’une femme qui bavarde sans discontinuer. La scène se passerait dans un café et d’une table voisine, d’où l’on ne pourrait pas vraiment suivre la conversation, son récit composerait une petite musique, semblable au vol d’un papillon. Trajectoire accidentée rythmée par un rapide battement d’ailes qui s’interrompt à peine lors de brefs atterrissages. Un peu étourdissante. »
Ami(e) 2
« Au mot “volubile” s’associe immédiatement pour moi celui de “bibelot” (d’inanité sonore), ce qui me fait penser à une jolie femme dont le doux babil me berce d’idées qu’un imbécile hâtif jugerait superficielles. Le simple fait d’émettre des sons avec une jolie voix est en soi suffisamment métaphysique pour n’avoir que rarement à en regretter le sens particulier. »
Ami(e) 3
« Nubile par la rime, naïve par la syntaxe irrépressible et généreuse par nature, la “volubile” est une femme, forcément. Et lorsque ce n’est pas le cas, elle est tout de même un hommage à la féminité et à l’aisance de sa langue bien enroulée. »
Ami(e) 4
« Quand ma phrase bondit et que mes mots s’envolent
En souples volutes qui se rient des obstacles
Tels le lierre et la vigne à l’assaut du pinacle,
Vers la cime éclairée mon esprit caracole.
Quand mon verbe fleurit, quand ma langue s’enroule
Habile et parfumée comme un pied de glycine,
Virtuose enivré je crois que les frangines
Sont pendues à mes lèvres et que leur cœur roucoule. »
Ami(e) 5