Le son des choses
Cette fois-ci, la rencontre va nous plonger dans l’univers de la musique. De son universalité. Et de son intériorité. C’est Francis qui m’a fait découvrir Yuko Hirota : « Vous verrez, m’a-t-il dit, c’est un ange… »
Yuko Hirota est japonaise. Menue. Affable et tout en sourire.
Son grand-père paternel était l’un des premiers facteurs de pianos au Japon. Ses deux grands-mères étaient liées au chant traditionnel, l’une chantait le Ko-uta (petit chant), l’autre était professeur de Naga-uta (chant long du théâtre kabuki chanté en s’accompagnant du shamisen).
Yuko étudie le piano dès l’âge de 3 ans. Et remporte plusieurs grands prix. Elle décide de parfaire sa formation en venant en Europe.
Elle va trouver auprès du regretté Louis Hiltbrand, compositeur et professeur de piano de la Classe de virtuosité du Conservatoire de Genève, un véritable maître spirituel. Hiltbrand cherchait sans cesse la Vérité et la voix intérieure.
« La voix intérieure, c’est comme le sens et la valeur de ce qu’on ressent, quand cela résonne en soi. Il faut que cela résonne. Sans cette intensité, cette profondeur, cet écho, il n’y a pas de musique, mais seulement des sons – et même pas des sons, des bruits ! Cette écoute est ce qui fait naître la musique. »
C’est cette extraordinaire qualité d’écoute qui permit à Hiltbrand de rendre sensible l’âme du Japon dans une des œuvres qu’il composa suite à un séjour au Japon qui l’a profondément marqué.
Ses compositions ont bouleversé Yuko et l’ont révélée à sa japonité. Elle suivra l’enseignement de Hiltbrand pendant quatre ans et demi.
Mais pour se lancer dans la composition, elle a besoin de faire une deuxième rencontre majeure, celle du grand psychanalyste jungien Élie G. Humbert qui va la pousser à aller au bout de son « chemin ».
Elle compose pour le piano. Cependant, pour Yuko, la musique ne se limite pas à celle jouée avec les instruments classiques. La musique peut être partout.
Le bruit se fait son, quand le bruissement d’une caisse de pois secs devient un orage ; quand ce n’est plus un vieil emballage de plastique que l’on entend, mais la vague sur la grève…
Elle accueille comme un cadeau du ciel ces sons faits par des objets qui ne sont pas construits pour être des instruments de musique. Pour elle, ce n’est pas un hasard : c’est l’âme sonore des choses.
Elle compose donc pour « les Choses ». Beaucoup pour les pots de fleurs en terre.
Yuko veut faire partager cette expérience et, en 1988, elle fonde un atelier de recherche d’expression sonore et d’improvisation : Le son des choses.
Le son des choses permet à tous de pouvoir s’exprimer, dialoguer, jouer de la musique sans solfège ni technique instrumentale précise. On joue un monologue pour écouter sa musique intérieure. On joue un dialogue avec l’autre, pour la joie de jouer et de s’écouter.
Ces ateliers sont programmés dans plusieurs lieux mais surtout dans la yourte du Lunain.
Et Yuko a encore bien d’autres rêves qu’elle souhaite faire partager. Parmi eux, celui d’un Centre culturel mêlant création, tradition et éducation. Il s’appellera Piano no ki (l’arbre à piano, en japonais). Il ressemblera à 3 manguiers côte à côte : c’est Satoru Nakamura, son ami architecte, qui l’a vu ainsi.
Depuis 1998, l'atelier Le son des choses, qu'elle a fondé, invite à la découverte du son des objets et de leur expressivité sonore. Elle donne également des formations pour des personnes qui sont ou seront éducatrices de jeunes enfants ou de personnes handicapées mentales. Elle a réalisé de nombreux spectacles-ateliers pour les enfants.